Faits saillants 2011

La collecte de données pour le projet d'atlas va bon train. Même si toutes les données n'ont pas encore été saisies par les participants, nous savons déjà que ces derniers ont consacré plus de 32 000 heures sur le terrain depuis le début du projet, et qu'ils ont rapporté des indices de nidification pour 278 espèces d’oiseaux! Comme en 2010, les milliers d'heures passées sur le terrain cette année ont conduit à des découvertes importantes. Vous trouverez sur cette page des renseignements sur quelques-unes de ces trouvailles.

L'équipe de l'atlas tient à préciser que les observations dont il est question ici ne sont pas les seules qui sont dignes de mention pour la saison 2011, plusieurs autres ayant été faites à différents endroits au Québec. Malheureusement, nous n'avons ni le temps ni l'espace pour toutes les relater ici (il faut bien se garder un peu de travail pour la production de l'atlas!).

Une des grandes surprises de la saison est la confirmation de la nidification de la Tourterelle turque à Sainte-Brigide-d’Iberville, à quelques kilomètres à l’est de Saint-Jean-sur-Richelieu en Montérégie. Originaire d’Asie, la Tourterelle turque a étendu son aire de répartition en Europe au cours du 20e siècle. L’espèce fut rapportée en Floride au milieu des années 1980, ayant probablement colonisé cet État en provenance des Bahamas. Depuis, sa répartition aux États-Unis s’est beaucoup étendue, en particulier en direction du nord-ouest. Curieusement, il n’existe aucune preuve de nidification en Nouvelle-Angleterre (Connecticut, Maine, Massachusetts, New Hampshire, Rhode Island, Vermont) et dans l’État de New York, quoique certains indices de nidification aient été obtenus cet été dans le sud du Connecticut. Au Canada, l’espèce est connue pour nicher seulement en Colombie-Britannique et dans les Prairies. La preuve de nidification obtenue cet été au Québec est donc véritablement digne de mention, compte tenu que les nicheurs les plus proches se trouvent dans le sud de la Pennsylvanie et (peut-être maintenant) du Connecticut.

Voici quelques-unes des observations faites cet été à Sainte-Brigide :

  • 11 juillet : deux oiseaux d’origine indéterminée rapportés par Sylvain Mathieu (et coll.)
  • 13 juillet : deux adultes vus et photographiés par Michel Bertrand, Jacques Hénault et Pierre Casavant
  • 15 juillet : deux juvéniles vus et photographiés par Raymond Belhumeur, Pierre Simard et coll., ainsi que par Pierre Bannon
  • 17 juillet : un mâle chanteur observé sur son nid par Samuel Denault et Daniel Daigneault
  • 19 juillet : deux adultes et un accouplement observés par Alain Sheinck et Manon Roy

Photo : Pierre Bannon
On doit souligner que l’expansion de la Tourterelle turque est probablement accélérée par des lâchers locaux, même s’il est sans doute futile, étant donné la vitesse de l’expansion et la vaste étendue où l’espèce est maintenant signalée, d’essayer de départager les oiseaux relâchés localement de d’autres venus d’ailleurs par eux-mêmes. Enfin, nous profitons de l’occasion pour porter à l’attention des ornithologues québécois un fait insolite concernant l’expansion de la Tourterelle turque au Québec. Pour en savoir plus, lisez ce texte écrit par Michel Gosselin, du Musée canadien de la nature : Tourterelles turques nicheuses à Sainte-Brigide : la boucle est bouclée
Lors de la première saison de l’atlas (2010), un jeune Pic à ventre roux avait été photographié à Châteauguay le 27 août par Lucien Lemay, près d’un site fréquenté régulièrement par cette espèce depuis une dizaine d’années; cette mention ne faisait pas partie des faits saillants de l’an denier en raison de la date tardive de l’observation. En 2011, Lucien Lemay et Michèle Amyot ont photographié un jeune Pic à ventre roux le 21 juillet, au même endroit. Bien que l’espèce fut reconnue nicheuse à cet endroit dès 2006, les photos obtenues en 2010 et 2011 représentent les premiers documents formels attestant que l’espèce niche au Québec. Depuis deux ou trois ans, un autre couple est noté régulièrement à l’arboretum Morgan à Sainte-Anne-de-Bellevue. Quoiqu’aucune confirmation n’existe à ce jour pour ce dernier endroit, il est fort possible que l’espèce s’y reproduise également.
Photo : Lucien Lemay

Photo : Alain Richard
En période de nidification, le Chevalier semipalmé est observé aux Îles-de-la-Madeleine de façon régulière depuis les années 1980, mais ce n’est qu’en 2002 que fut obtenue la preuve irréfutable de sa nidification au Québec, alors qu’un oisillon a été observé sur la dune du Nord, entre Pointe-aux-Loups et Grosse-Île. Depuis, l'espèce est observée annuellement dans le même secteur et, à l’occasion, ailleurs dans l’archipel madelinot. Toutefois, avant cette année, aucun nid n’avait encore été trouvé au Québec. La découverte, par Alain Richard, d’un nid contenant quatre œufs le 15 juin 2011 sur la dune du Nord représente donc une belle trouvaille.
En 2011, des effectifs d’Engoulevents bois-pourri d’une importance insoupçonnée au sud de Montréal (Région 10) ont été mis en évidence par Pierre Bannon. Au moins 86 oiseaux, repérés à 49 sites dans 12 parcelles, ont été dénombrés lors d’inventaires nocturnes. La parcelle 18WQ89 remporte la palme puisqu’une trentaine d’oiseaux y ont été trouvés. Bien que certains de ces sites étaient déjà connus pour abriter l’espèce, c’est la première fois qu’un dénombrement exhaustif est effectué dans cette région. Pierre a noté une relation étroite entre la présence de milieux humides (tels que désignés sur les cartes d’atlas) et celle d’Engoulevents bois-pourri, principalement à l’intérieur des terres. En Montérégie, des tourbières peuplées de jeunes arbres feuillus ou résineux figurent parmi ces milieux humides. Or on pratique aujourd’hui la culture maraîchère sur plusieurs de ces tourbières, et leur déforestation, entreprise depuis les années 1940, se poursuit toujours, ce qui laisse présager un avenir précaire pour cette population d’Engoulevents bois-pourri.

Photo : Christophe Buidin

Il semble que l’île d’Anticosti recèle encore quelques trésors puisqu’après la découverte d’un premier nid d’Aigle royal en 2010, trois autres nids y ont été découverts en 2011! Ces découvertes ne sont pas fortuites puisqu’elles ont été faites après que Christophe Buidin et Yann Rochepault aient décidé de marcher au fond de quelques canyons offrant un certain intérêt pour la nidification de l’Aigle royal (l’espèce installe son nid sur une paroi rocheuse). C’est ainsi que des nids ont été découverts dans les canyons de la rivière Chicotte, de la rivière Brick et de la rivière Jupiter les 9 et 10 juillet derniers. Par ailleurs le nid occupé en 2010 dans le canyon de la rivière Vauréal était encore actif en 2011. Ces trouvailles illustrent bien l’importance d’un projet comme celui du nouvel atlas qui, parfois, peut transformer la perception que nous avons de la répartition de certaines espèces. Christophe et Yann formaient l’équipe d’atlasseurs embauchée cette année pour couvrir les parcelles prioritaires de l’île d’Anticosti. Il est souhaité que d'autres parcelles y seront couvertes en 2012.

Depuis la découverte d’une population de Parulines à ailes dorées nicheuses dans la région de Huntingdon dans les années 1980 (lors du 1er atlas), des signes d’hybridation entre cette dernière et la Paruline à ailes bleues ne cessent de s’accumuler. En 2011, différents types d’hybrides ont été aperçus et photographiés sur la montée Biggar à Godmanchester, notamment une Paruline de « Brewster » baguée en 2009 et affichant des dessous (parties inférieures) jaunes et blancs, ainsi qu’une autre Paruline de « Brewster », celle-là non baguée et montrant des dessous entièrement blancs.

Photo : Lucien lemay
Pour leur part, Lucien Lemay et Michèle Amyot ont photographié le 24 juillet 2011 un 3e type d’hybride, celui-là très semblable à une Paruline à ailes dorées, mais présentant des dessous jaunâtres ainsi que deux barres alaires jaunâtres. Cet hybride serait le résultat d’un croisement entre une Paruline de "Brewster" et une Paruline à ailes dorées pure (homozygote). Selon une étude publiée par Kenneth C. Parkes en 1951, 25 % des descendants de ce croisement présenteraient un phénotype de ce genre. Parkes désigne cet hybride comme une Paruline à ailes dorées hétérozygote dont le génotype est WwSspp (pour plus d’information, cliquez ici).
Il semble que ce soit la première fois que ce type d’hybride est observé au Québec. Des observateurs ont aussi signalé sur la montée Biggar la présence d’une Paruline à ailes dorées femelle transportant de la nourriture ainsi qu’une Paruline à ailes bleues, ce qui nous promet peut-être d’autres hybrides à découvrir en 2012.

Photo : Glenn Bartley

Sur le plan ornithologique, le Nunavik demeure une région du Québec largement méconnue. Si l’on considère que les « atlasseurs » qui couvrent les régions peuplées du Québec y font encore des découvertes, il est normal que les observateurs d’oiseaux ayant la chance de se rendre au Nunavik y récoltent des données intéressantes. En août dernier, Michel Robert a pu travailler quelques jours dans la région de Puvirnituq sur la côte de la baie d’Hudson (dans le cadre d’une étude sur la Bernache du Canada, dirigée par Richard Cotter du Service canadien de la faune), où il a colligé des indices de nidification pour quelques espèces de limicoles, dont le Pluvier bronzé, le Bécasseau variable et le Bécasseau à poitrine cendrée (les premiers pour le projet d’atlas).

Michel fut agréablement surpris par le nombre élevé de Cygnes siffleurs qui nichent dans la région, les couples accompagnés de jeunes se comptant par dizaines! L’observation de la Bernache de Hutchins, de l’Oie des neiges, du Plongeon du Pacifique, du Hibou des marais et du Harfang des neiges, ainsi que la découverte de quelques nids de Faucons pèlerins et de Buses pattues, comptent parmi les informations obtenues par l’équipe de terrain dont il faisait partie.
Parmi les autres observations ayant été faites en 2011, notons la découverte, par Diane Robert (et coll.), d’un nid de Moucherolles phébis à Saint-Siméon en Gaspésie, la présence d’un Troglodyte familier territorial dans le village de Bergeronnes sur la Côte-Nord (Samuel Belleau), la présence du Jaseur boréal sur le Mont Olivine en Gaspésie (Pierre Fradette et Xavier Francoeur), la confirmation de la nidification du Bihoreau gris dans le secteur de La Tuque (Hugues Brunoni et Jean-François Rousseau), ainsi que la présence d'une couvée de Petits Garrots et d'un mâle chanteur de la Paruline triste dans le secteur de Radisson (Jacques Larivée).
Photo : Jacques Larivée