Faits saillants 2010

Selon les données enregistrées jusqu'à maintenant, les participants au projet d’atlas ont passé plus de 15 600 heures sur le terrain en 2010 et ont rapporté des indices de nidification pour 255 espèces d’oiseaux. Comme on pouvait s’y attendre, la première saison de terrain a conduit à de belles découvertes. Vous trouverez plus bas des informations sur quelques-unes de ces dernières; plusieurs autres trouvailles ont été faites dans les différentes régions du Québec, mais nous ne pouvons toutes les relater ici.


Photo : François Hébert
Même si, en toute vraisemblance, le Cygne trompette nichait jadis au Québec, il n'existe qu'une seule mention, imprécise, à cet effet, qui date des années 1830–1840. Toutes les mentions modernes du Cygne trompette dans le nord-est du continent proviennent d'oiseaux issus d'un programme de réintroduction. L'espèce est rapportée à chaque année au Québec depuis 2004, presque toujours au Témiscamingue ou en Abitibi, soit au nord de la ville ontarienne de Midland, où sont relâchés les cygnes issus du programme. Jean-François Doyon, un biologiste à l'emploi des mines Agnico-Eagle Limited, a eu la chance d'observer un couple de Cygnes trompettes (dont un des membres était marqué) accompagnés de deux jeunes sur un étang de la compagnie, à Joutel, les 29 juillet, 11 août et 14 septembre 2010. Il s'agit là de la première preuve de nidification de l'espèce en sol québécois.

Photo : Maxime Carbonneau
Incroyable, mais vrai : la saison de terrain initiale de l’atlas a permis de confirmer la première nidification de la Pie-grièche migratrice en sol québécois depuis 15 ans! C’est un participant ontarien, Jeffrey H. Skevington, qui a fait la réjouissante découverte le 7 juin, alors qu’il observa deux adultes transportant de la nourriture dans la région de Quyon, en Outaouais. Trois jeunes pies-grièches ont ensuite été trouvées le 11 juin par Benoit Laliberté, Maxime Carbonneau et Chantal Larue. Puis Amy Chabot, membre de l’équipe de rétablissement de l’espèce, a pu confirmer, le 12 juin, qu’un des adultes était issu d’un programme de lâcher en cours en Ontario; l’individu (la femelle) ayant été élevé en captivité puis relâché dans la plaine de Carden (Ontario) le 18 juillet 2009. L’autre adulte n’était pas bagué. Cette preuve de nidification est une découverte importante puisque les experts croient qu’une trentaine de couples seulement de Pies-grièches migratrices nichent encore dans le nord-est du continent.
La découverte, par Mario Labrie, d’un couple de Chouette épervière le 5 mars à Saint-Just-de-Bretenières, dans Chaudières-Appalaches, constitue sans doute une des observations les plus inattendues de la saison 2010. Il existe très peu de preuves de nidification de cette espèce au sud du Fleuve Saint-Laurent, et ces dernières proviennent de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent. Les observations de Mario et de Robin Gingras ont d’abord permis, en mars, de repérer le chicot abritant le nid puis de confirmer l’envol, au début juin, de trois jeunes chouettes. Il s’agit de la preuve de nidification québécoise la plus méridionale, l’espèce nichant habituellement dans la taïga (donc beaucoup plus au nord). L’espèce est reconnue pour nicher occasionnellement au sud de son aire de nidification principale, spécialement durant les printemps qui suivent les hivers où de nombreux individus sont rapportés dans le sud du Québec (comme ce fut le cas en 2009-2010).
Photo : Mario Labrie



Photos : Vincent Létourneau
Il y a longtemps que les spécialistes de la répartition des oiseaux d’ici soupçonnent le Jaseur boréal de nicher dans la forêt boréale québécoise, mais les preuves ont toujours manqué. C’est donc avec un grand contentement que les responsables de l’atlas ont appris la découverte de non pas un, mais bien deux nids du Jaseur boréal au nord des monts Otish, en plein cœur du Québec (160 km au nord du lac Mistassini). Le premier nid a été découvert par Vincent Létourneau le 20 juin, le deuxième par Geneviève D'Anjou quelques heures plus tard dans la même parcelle, à l’occasion d’une étude environnementale conduite par le consortium Roche/SNC-Lavalin Environnement en vue du prolongement de la route 167, au nord des Monts Otish. Dans les jours suivants, Vincent a confirmé la nidification de deux autres couples de jaseurs, cette fois en observant des adultes transportant des matériaux de construction. En trois semaines de travaux intensifs, cette étude commandée par le ministère des Transports du Québec aura en outre permis de cumuler des observations dans plusieurs parcelles situées entre le 51e et le 53e parallèles. Le projet d’atlas contribuera sans doute, au cours des prochaines années, à préciser davantage les limites de l’aire de nidification du Jaseur boréal au Québec.
En mars 2010, Pierre Bannon a confirmé la nidification du Pygargue à tête blanche à l'île aux Hérons, à quelques kilomètres seulement du centre-ville de Montréal. Les pygargues ont occupé un vieux nid de héron, en plein cœur d'une colonie de ces oiseaux. Selon les observations de Pierre, un oiseau incubait vraisemblablement des œufs le 31 mars. Malheureusement, un des pygargues est par la suite disparu, si bien que la nidification fut abandonnée. Malgré son échec, cette preuve de nidification constitue une première pour la région de Montréal et est le résultat de l'accroissement important des populations du pygargue au cours des dernières années. L’espèce avait beaucoup décliné durant le 20e siècle, en raison de l'absence de protection, puis de l’effet néfaste des pesticides (DDT) sur sa reproduction. Parions que l'espèce sera trouvée nicheuse non loin de Montréal d'ici la fin du projet d'atlas.
Photo : Pierre Bannon

Photo : Réjean Paquet
Avec son plumage éclatant et ses vocalises remarquables, le Pic à tête rouge est facilement détectable. Néanmoins, cet oiseau est aujourd’hui si rare qu’on ne sait même pas s’il niche au Québec chaque année. L’observation, par Gérard Desjardins le 30 mai, d’un couple accompagné de deux jeunes dans la région de Gatineau est donc digne de mention (les pics auraient été vus à cet endroit du 1er au 30 mai). L’espèce avait niché au même endroit en 2009, une propriété privée dont l’emplacement est gardé secret à la demande des propriétaires. Les données québécoises disponibles indiquent que le Pic à tête rouge a niché à une trentaine d’endroits seulement depuis 50 ans, et que très peu de stations abritent l’espèce plusieurs années consécutives. Souhaitons que ce site de nidification abrite des Pics à tête rouge encore longtemps.

Photo : Pierre Bannon
Les preuves de nidification de l’Oriole des vergers au Québec se comptent sur les doigts d’une main; les trois seules nidifications rapportées avant le projet d’atlas avaient été trouvés à l’été 2002 et à l'été 2009. L’observation par Marc Boisvert d’un couple le 26 mai à Huntingdon, dont la femelle transportait une brindille (pour la construction d’un nid), constitue donc une heureuse trouvaille. Les oiseaux se trouvaient sur un petit terrain en friche, entre deux habitations. Le couple y aurait été revu une dernière fois le weekend du 26-27 juin. En plus d’être très rare sous nos latitudes, l’Oriole des vergers a l’habitude de séjourner peu longtemps dans ses quartiers d’été, ce qui contribue au fait qu’il soit rarement rapporté chez nous. Comme en Ontario, l’espèce est observée plus souvent au Québec depuis une vingtaine d’années, même si le nombre d’individus rapportés varie beaucoup d’une année à l’autre.
Le Coulicou à bec jaune niche irrégulièrement au Québec, l’espèce y étant signalée surtout à l’automne, lors des déplacements post-nuptiaux de coulicous ayant niché au sud du Québec. L’observation d’indices de nidification est donc exceptionnelle, et l’été 2010 fut inhabituel à ce titre puisque le Coulicou à bec jaune a été découvert à différents endroits du Québec méridional en mai, juin et juillet (dont six parcelles en Outaouais). La mention la plus probante est celle d’un individu découvert par Marc Boisvert le 26 mai dans la municipalité de Godmanchester, en Montérégie. L'oiseau a été revu le 29 mai par Mark Dennis, par Alain Quenneville et Luc Goneau le 2 juin, puis par Dominic Lavoie le 8 juillet, ce qui permet de considérer la nidification comme « probable » (code T). Le Coulicou à bec jaune parasite parfois le nid d’autres espèces, spécialement le Coulicou à bec noir, le Merle d’Amérique et le Moqueur chat.
Photo : Robert Mailhot
L’Arlequin plongeur est reconnu pour nicher en bordure de rivières de la Gaspésie, de la Côte-Nord et du Nord québécois, mais il existe très peu de preuves de nidification sur la Côte-Nord. La découverte, par Michel Robert et Olivier Barden, d’une femelle accompagnée de sept canetons le 1er juillet sur la rivière de l’Argent, à quelque 160 km au nord-ouest de Baie-Comeau, représente la preuve de nidification la plus méridionale jamais rapportée sur la Côte-Nord. Michel et Olivier ont pu observer à loisir la petite famille, alors qu’elle nageait et plongeait dans un rapide et se reposait parfois sur les rochers. Les oiseaux se trouvaient tout près d’une île, sur laquelle la femelle a vraisemblablement pondu ses œufs, les canetons étant âgés de quelques jours à peine au moment de la découverte.
Photo : Christian Chevalier

Photo : David Mitchell
À l’évidence, le Bruant des plaines a fait une percée importante au Québec depuis les travaux du 1er atlas. Déjà, l’espèce a été rapportée dans (au moins) 48 parcelles du nouvel atlas, le Témiscamingue et l’Abitibi ressortant comme les deux régions où se concentre ce bruant. La parcelle 17PN16 remporte pour l’instant la palme, puisque Jonathan Fréchette y a dénombré au moins 10 mâles chanteurs au cours d’une seule matinée en 2010! Le Bruant des plaines est un oiseau originaire des régions broussailleuses de l’ouest du contient, et dont l’aire de nidification s’est graduellement étendue vers l’Est et le Nord, ce qui explique qu’on le trouve en bon nombre au Témiscamingue et en Abitibi. Cette espèce, qui habite les champs en friche et les jeunes plantations de conifères notamment, s’hybride à l’occasion avec le Bruant familier. Son chant, facile à distinguer, est un bourdonnement formé de deux à cinq « bzzz ».

Photo : Sylvain Dutrisac
Une très belle découverte que ce nid d’Aigle royal à Anticosti, découvert par Sylvain Dutrisac et Daniel Pigeon le 29 juillet dans le canyon de la rivière Vauréal. Sylvain a d’abord eu la chance d’observer un aigle en vol lors d’une excursion dans cet endroit d’une beauté à couper le souffle, puis d’entendre les cris répétés d’un aiglon, ce qui a mené à la découverte de l’emplacement du nid. Un nid énorme, composé surtout de branches conifères. Le jeune se déplaçait sur les bords du nid, en criant à répétition. Malgré la bonne distance qui séparait les observateurs du nid, Sylvain a eu la chance de prendre quelques photos, avant que le jeune se tapisse au fond du nid puis disparaisse. Alors que le Pygargue à tête blanche est un oiseau qui niche communément à l’île d’Anticosti, il en va tout autrement pour l’Aigle royal, puisque seul un vieil ouvrage (Schmitt 1904) a déjà fait mention de la nidification de cette espèce sur l’île (un nid aurait été trouvé à la rivière Jupiter). Comme c’est le cas pour le pygargue, tout indique que la situation de l’Aigle royal au Québec va en s’améliorant, ce que le projet d’atlas permettra sans doute de bien documenter.